CATCHAT

Le chat ... Rien que Chat ! ... Enfin presk !

Accueil > ACTUALITE > Sont-Ils Des Choses Ou Des Personnes ?

Sont-Ils Des Choses Ou Des Personnes ?

dimanche 27 juillet 2003, par CatChat

A mi-chemin entre objet et humain, l’animal juridique est toujours un bâtard.

Le juriste Jean-Pierre Marguénaud a développé la théorie selon laquelle les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité, ne sont plus des choses, mais des personnes, même s’ils n’ont pas les mêmes droits que les personnes humaines. Le principal argument pour étayer son hypothèse est l’existence, depuis la fin des années 50, d’une législation limitant les pouvoirs des propriétaires qui ne prétend protéger ni la nature ni la collectivité humaine, mais bien les individus animaux eux-mêmes. En effet, les restrictions du droit des maîtres à l’égard de l’animal sont conçues dans l’intérêt de celui-ci, considéré comme un être vivant, sentant et souffrant, à la différence des autres restrictions que notre droit impose aux propriétaires. Ainsi, lorsque, par exemple, les lois limitent les droits de transformer certains immeubles classés, elles visent, non pas la protection de ces choses précieuses en tant que telles, mais la collectivité qui est censée tenir à les conserver.

Etres sensibles. La loi protège ces animaux contre les mauvais traitements, l’abandon volontaire, et proclame qu’ils sont des êtres sensibles qui doivent être placés dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de leur espèce. Mieux : depuis quelque temps, ils n’ont pas seulement le droit d’être tués sans souffrance, mais aussi de vivre. Depuis quelques décennies, la jurisprudence avait consacré ce droit en ce qui concerne les chiens et les chats. Leur mise à mort en l’absence de nécessité était considérée comme un acte de cruauté punissable. Le nouveau Code pénal a créé une contravention qui punit d’amende « le fait, sans nécessité (...) de donner volontairement la mort à un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité ». Ces agissements sont punissables aussi bien lorsqu’ils sont commis par un tiers que par le maître.

Mais faut-il dire pour autant que les animaux ont cessé d’être des choses puisque, désormais, ils ont des droits propres comme des personnes et peuvent même être représentés par des associations pour les faire respecter ? Il semblerait plus pertinent d’affirmer qu’ils sont à la fois des choses et des personnes. On pourrait comparer leur statut à celui des esclaves dans le droit romain classique. Lié à son maître par un rapport de propriété, l’esclave n’en était pas moins protégé contre les abus de celui-ci, tout au moins à partir de l’empire. Ainsi on dépouillait de son droit le maître qui abandonnait son esclave vieux et malade, on lui défendait de lui faire subir des mutilations, on punissait ceux qui les auraient tués sans motif, les obligeant à les vendre s’ils les maltraitaient.

Ceux qui militent pour une personnification complète des animaux de compagnie afin de leur enlever le statut de chose ne se rendent pas toujours compte que leur amour effréné risque de se retourner contre eux-mêmes. Une jurisprudence curieuse a montré comment le développement des droits des animaux peut se mettre en contradiction avec la protection de l’amour de leurs maîtres. Un jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 19 mai 1982 a relaxé un individu poursuivi pour avoir détaché par malveillance un chien retenu par sa laisse à la chaise de son maître, pendant que celui-ci jouait aux cartes dans un café, pour l’emporter dans sa voiture et le laisser s’enfuir. Les juges remarquaient qu’« un animal, dont la sensibilité a été légalement reconnue par la loi du 10 juillet 1976 et qui bénéficie depuis la loi du 2 juillet 1850 d’une protection particulière, ne peut être assimilé à une chose et ne peut être l’objet de la soustraction prévue par l’art. 379 du Code pénal ». Mais comme l’animal n’est pas non plus une personne comme les autres, cet acte ne pouvait pas non plus être qualifié d’enlèvement. La répression de tels agissements était ainsi devenue impossible. Ne doit-on pas se réjouir que cette jurisprudence ait été infirmée par la cour d’appel de Colmar, le 12 janvier 1983, qui a nié que la législation actuelle ait ôté à l’animal sa qualification de chose ?

« Bons gardiens ». Il n’est pas impossible que, dans un futur plus ou moins proche, on finisse par estimer que le droit de propriété n’est pas à même de garantir les droits de la personne animale, et qu’on songe à attribuer les animaux de compagnie à leurs maîtres par des procédés proches de ceux de l’adoption d’enfants, les destinant à des gens qui se montrent capables d’être des « bons gardiens ». On peut même s’attendre à ce que les partis politiques proposent dans leurs programmes une allocation pour le premier chien. Mais il est fort à craindre que la collectivité se mette alors à imposer des critères bien arbitraires, et que des associations doivent se battre pour avoir un « droit à l’animal ». Aussi peut-on penser que le système actuel, qui articule les statuts de personne et de chose soumise au droit de propriété, garantit aussi bien la protection des droits de la bête que l’acquisition et la jouissance de l’animal de compagnie pour tous ­ et qu’il est bien ainsi.

Chercheur au CNRS, dernier livre paru : « Qu’avez-vous fait de la révolution sexuelle ? », Flammarion, 2002.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?