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Pauvres Betes

lundi 28 juillet 2003, par CatChat

Non-sujet de droit, l’animal ne peut recevoir directement d’argent. Et son maître ne peut se substituer à lui. Comme l’a prouvé l’histoire du héros Costaud.

La justice rapporte que, le 10 janvier 1956, M. Hortelano, un aveugle exerçant la profession de masseur, accompagné de son « beau chien » nommé Costaud, venait de reconduire jusqu’à la route une jeune patiente de 12 ans. Alors qu’ils s’apprêtaient tous les trois à traverser, l’enfant se précipita soudain sur la chaussée devant un car. Le chien, voyant le danger, bondit vers elle, la sauva, mais, « victime de son courage », fut violemment heurté par le véhicule. La pauvre bête se retrouva si gravement blessée que personne ne donnait cher de sa vie ­ sauf son maître, qui refusa de la faire piquer et insista pour la soigner à n’importe quel prix. Une semaine plus tard, la Société protectrice des animaux de Saint-Etienne, de son propre chef, ouvrait une souscription au bénéfice de Costaud et de son maître aveugle, afin de contribuer, « avec tous les gens de coeur, aux frais élevés nécessités par ce pauvre animal ». L’action héroïque du chien avait causé une émotion si considérable que la souscription atteignit la somme extraordinaire de 2 622 753 francs (400 000 euros). Mais entre-temps le chien fut sauvé à une vitesse tout aussi extraordinaire, grâce aux soins énergiques prodigués en partie gratuitement et largement financés, pour le reste, par les dons spontanés de ses admirateurs.

Substitut. La SPA en possession de la masse d’argent provenant de la souscription ne voulut donner à M. Hortelano que le montant correspondant au coût des soins donnés à son chien. Mais celui-ci refusa, réclamant l’intégralité de la somme obtenue par la souscription, tout en se réservant le droit, s’il le jugeait utile, de « faire bénéficier certaines oeuvres d’aveugles ou de chiens guides pour aveugles d’une partie de la somme ». En guise de réponse, la SPA adressa une lettre à chacun des souscripteurs : « Notre association n’ayant pas eu à intervenir pour Costaud, maintenant rétabli, nous vous demandons si vous nous autorisez à conserver votre versement pour améliorer le sort de nos chiens malheureux. » Le conflit arriva au tribunal civil de Saint-Etienne qui séquestra l’argent et demanda aux souscripteurs soit de retirer leurs fonds, soit de faire connaître une nouvelle affectation. On leur accordait un an pour répondre, suite à quoi les sommes restantes devraient être versées à un nouveau substitut du pauvre chien Costaud, le bureau de bienfaisance de Saint-Etienne. Ainsi s’égarent les dons qui ne trouvent pas leur destinataire.

Heureusement, les juges de la cour d’appel de Lyon ne furent pas du même avis, car aucun des souscripteurs « ne saurait être présumé avoir entendu gratifier, même à titre subsidiaire, un établissement qui ne s’intéresse ni aux chiens ni spécialement aux aveugles ». Les juges ont considéré que la totalité de la somme ne revenait pas cependant non plus à M. Hortelano, car les souscripteurs avaient donné un mandat très précis à la SPA. Elle ordonna une expertise sur les lettres envoyées par les souscripteurs, séparant celles qui ne mentionnaient que les soins à apporter au chien Costaud, qu’il fallait rendre, et celles qui s’adressaient au chien et à son maître, qui revenaient à ce dernier. On lui rappelait cependant qu’« il déclare destiner les fonds qui lui seront remis par la Société protectrice des animaux de Saint-Etienne à améliorer aussi bien le sort des chiens que celui des aveugles ».

Usurpateur. Cette célèbre affaire du chien Costaud est souvent invoquée par les juristes pour rappeler que les animaux, n’étant pas des personnes, ne peuvent pas être destinataires de legs ou de dons. En d’autres termes, on ne peut rien leur donner directement, car ils sont des non-sujets de droit, même s’ils font des gestes héroïques et que l’on se sent endetté à leur égard. Tous ceux qui se substituent à eux pour en bénéficier ne peuvent jouer d’autre rôle que celui de l’usurpateur. Ainsi, cette histoire illustre, en réalité, les difficultés qu’entraîne l’existence même de cette règle. En effet, elle a pour conséquence que les animaux généreux finissent par créer des troubles à la paix publique, sinon plus considérables du moins plus sordides encore que ceux dont sont responsables les bêtes méchantes.

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