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Les Mamelles Du Langages
jeudi 21 août 2003, par
La linguiste Henriette Walter décortique les noms des mammifères, souvent à l’origine de nos mots.
Le langage nous différencie des animaux, dit-on. Selon Henriette Walter, la linguiste préférée des Français, ce serait pour compenser que les bêtes ont envahi nos langues. Elles sont partout, dans la nature, bien sûr, mais aussi dans les contes, l’héraldique et la philosophie. Il a fallu ce livre savoureux pour que l’on puisse mesurer l’étendue du vocabulaire qui leur est consacré. Avec son coauteur, Pierre Avenas, polytechnicien, officiellement directeur de recherche dans l’industrie, mais passionné de linguistique à ses heures perdues, la pétillante spécialiste des mots s’est arrêtée à ceux qui désignent les mammifères. Autour de 35 vedettes, du loup à la belette, gravitent quelque 300 animaux moins familiers - ornithorynques, sapajous, vampires... Attention ! il ne s’agit pas d’un banal dictionnaire ni d’une encyclopédie. Encore moins d’un document réservé aux amis des bêtes. Mais plutôt d’un voyage en paroles, dans le temps et dans l’espace.
Car, depuis la préhistoire, les hommes ont côtoyé, admiré, détesté ou pourchassé les animaux. C’est en connaisseurs qu’ils en décrivent l’apparence et le comportement. Qu’ils en ont fait les héros des fables, les emblèmes de l’héraldique, le support de leurs réflexions philosophiques. On retrouve donc leurs noms partout.
Ainsi du loup, craint pour sa cruauté mais respecté pour son courage. On le rencontre aussi bien en loup-garou, l’homme métamorphosé en bête sauvage la nuit, qu’en fleur, la gueule-de-loup. Quel rapport entre le loup et le lycée ? Un quartier d’Athènes, le Lukeion, hanté par ces prédateurs, qui a donné son nom au « gymnase » où enseignait Aristote. Rome s’intéresse davantage aux louves (lupae, en latin) et leur attribue des moeurs légères, d’où le lupanar. Autour du chat, un animal plus secret, comme le savent les amoureux de ce félin, un tout autre vocabulaire s’est constitué. Les Grecs ne connaissaient que le chat sauvage, aiolos, qui a donné naissance à Eole, le dieu du vent, le terme grec signifiant « rapide ». Et c’est le latin cattus qui est le père des chats français, des gatos espagnols et des cats anglais. Pourtant, le cri du chat, le fameux « miaou », est universel : on le retrouve, presque tel quel, jusqu’en Chine.
L’étonnante histoire des noms de mammifères
Henriette Walter
éd. Robert Laffont
Illustrations de François Boisrond
486 pages
24 €
157,43 FF