Ce Chat, Tout Lui Sourit !

LE CHAT en majesté à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Paris, voilà qui risque de hérisser le poil de certains. Imaginez 1 000 m 2 occupés par le matou placide au museau rond, dans la grande cour vitrée de ce temple de l’académisme où de nombreux élèves, branchés à mort, ne rêvent que d’abstraction ! Le pari est un peu tiré par les moustaches mais, il n’empêche, très séduisant. Philippe Geluck, le père dudit félin, 49 ans et plus tous ses cheveux, en ronronnerait presque de plaisir. « C’est dingue, non ? interroge-t-il l’oeil matois, pour les vingt ans du Chat, on cherchait un lieu de prestige et, en rigolant, on a évoqué celui-là, et ça a marché tout de suite ! » Ni une ni deux, Geluck, aussi aimable qu’à la télé et à la radio avec Drucker ou Ruquier, se lance dans la visite des lieux, sans se faire tirer l’oreille. Particularité de l’expo : l’essentiel de ce qui est à voir est contenu à l’intérieur des objets fétiches du dessinateur mais façonnés à la taille de Gulliver : un pot à crayon, un cahier à spirale, un pot de peinture (« l’amarante, la couleur des rigolos »), un encrier et un crayon long de 30 mètres pour 6 mètres de haut. C’est par là que l’on attaque les festivités. Et de découvrir les débuts du dessinateur replacés dans l’univers de l’époque, avec aussi bien les premiers croquis (vraiment pas gais) ou le nounours du petit garçon qu’il a été, qu’une une de magazine signée Diluck (son papa, Didier Geluck). «  Vous voyez, là, le livre sur l’accouchement sans douleur ? interpelle-t-il, eh bien c’est ma mère avec moi sur la couverture. Elle a été une pionnière en la matière en Belgique ! » Et l’on enchaîne sur de très belles aquarelles incrustées dans des tables à dessin, avant d’entrer de plain-pied dans le musée du Chat avec des bruits de coups de crayon en fond sonore. Premières planches pour le journal belge « le Soir » et festival de situations absurdes et de jeux de mots plus ou moins crétins - la marque de fabrique de ce gros greffier philosophe. On ouvre une armoire et l’on tombe sur des tas d’objets hétéroclites, comme une sainte Thérèse de Lisieux métamorphosée par un gros nez rond, des lunettes assortis et des oreilles pointues ou un vitrail montrant deux chats s’accouplant titré : « Fécondation in vitro »... Le maître du mistigri ne recule devant rien. Il a même réussi à obtenir de l’armée belge que tout un bataillon se mette en place sur une piste d’aéroport pour composer la tête du Chat. Si, c’est vrai ! On en a la preuve en images dans l’espace vidéo qui montre l’humoriste belge dans toutes ses oeuvres, à la télé comme au théâtre. Encore quelques mots pour évoquer les toiles monumentales peintes par Geluck pour recouvrir les baies vitrées cernant la galerie où il s’est amusé à parodier les classiques (son péché mignon), comme « la Joconde » ou la « Vénus de Milo » (sa chouchoute)... Pauvre Vénus, les bras pourraient lui en tomber si ce n’était déjà fait. Mieux vaut toutefois ne pas trop en raconter pour préserver l’effet de surprise. Vraiment, cette expo (à voir en famille) est au poil. Et pour ceux qui s’en lèchent déjà les babines, sachez qu’un 12 e album du Chat, « Et vous, chat va ? » (Ed. Casterman), sort simultanément. Elle n’est pas belle, la vie ?

« Le Chat s’expose », à partir de demain et jusqu’au 4 janvier à l’Ecole nationale des beaux-arts, 14, rue Bonaparte, Paris VI e . Tous les jours de 10 heures à 19 heures. Entrée : 6 €, réduit, 4 €.